LITTÉRATURE ET GUIDONNAGE – RAD#7

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Christophe Blain et Barbara Carlotti, La Fille

Je me l’étais juré, pas de BD dans cette rubrique. Ce n’est pas de l’hostilité de principe mais en vieillissant (ça ne se voit pas me dit-on) j’avoue avoir un peu décroché du genre. Bon en même temps, j’avais dit aussi, que je n’évoquerai pas d’ouvrages concernant la moto, faute de matière. Et ben j’ai menti, c’est à la mode, alors on va pas se gêner non plus. Donc une BD qui parle de moto. C’est un OVNI intitulé « La fille » qui vient de sortir chez Gallimard, cosigné de Christophe Blain et Barbara Carlotti, chanteuse de son état. OVNI parce que cette BD est accompagnée d’un CD qui est en quelque sorte la BO (bande originale pour les ignares) de l’ouvrage. OVNI parce que l’on trouve dans ce recueil des poèmes/chansons en rapport parfois ténu avec le propos et que la cohérence narrative n’est pas la priorité de Blain. Alors il y a des motos, une anglaise (une triumph bobérisée) tout d’abord, qui est même l’un des personnages centraux, une horde d’amazones harleyistes qui tue à tour de bras, un cow-boy nain qui croît au fur et à mesure qu’il pratique l’acte de chair et j’en passe. Ce road movie n’est pas parfait, c’est vrai. On s’y perd un peu, c’est d’un intérêt inégal, parfois un peu trop enfantin à mon goût. Mais ce côté un peu déjanté n’est pas pour me déplaire et cette histoire d’amour entre un cow-boy nain et la « fille » (ça vous fait penser à rien ça ?) est émouvante. Il y a un vrai rythme (en même temps avec une Triumph…) de belles trouvailles, des planches bien torchées et une moto anglaise que l’on kicke toutes les deux pages (je vous en ai parlé non ?) Original et poétique, donc. Ca mérite d’être examiné avec bienveillance et pourquoi pas même acheté.

Ernesto Mallo, Un voyou argentin

Voyouargentin Un roman de facture plus classique maintenant, avec « Un voyou argentin » d’Ernesto Mallo, paru chez Rivages en 2012. C’est sombre, très sombre. Westlake et Lebreton ne le renieraient pas. On se retrouve au sortir de la dictature militaire dont on mesure à quel point elle a nourri l’imaginaire littéraire du pays le plus européen d’Amérique Latine. Des récits croisés (on dit choraux maintenant), un milieu « porteno »* très semblable au « mitan » français, une justice qui se reconstruit dans la douleur, des militaires qui ne renoncent à rien, le poids des non-dits, la rédemption qui vous échappe parce que le fameux dernier coup qui te mettra à l’abri est illusion, parce que ta femme ne te croit plus, ne te supporte plus, parce que la poisse te colle à la peau et parce que….. c’est un roman noir, nom de Dieu !

Tim Dorsey, Orange Crush

Orangecrush Un roman farce/fable pour finir, avec « Orange Crush » chez Rivage en 2013 (2001 pour l’édition américaine) de Tim Dorsey. Ca se passe dans un univers un peu singulier (ça me cause mais c’est une autre histoire) celui de la politique américaine locale en l’occurrence. Nous sommes dans l’entourage d’un gouverneur de Floride croquignolet, tellement con que ça pourrait être Jed Bush, fils et frère des autres qui a été vraiment pour l’anecdote, gouverneur de Floride. Tout est énooorme, grossi, caricatural, falstaffien… donc vrai. C’est un portrait au vitriol des mœurs politiques américaines à la fois médiocres et corrompues. Ça nous arriverait pas chez nous ça hein ? Il manie l’absurde comme peu et enchaîne les péripéties toutes plus abracadabrantesques les unes que les autres sans mollir (j’avais prévu d’écrire débander mais j’ai été censuré). On rit et on sourit beaucoup. On s’afflige, on s’indigne mais mollement parce que pfff, ça fatigue. Comme dans toutes les fables il y a une morale un peu gnangnan. Mais c’est tellement bordélique, jubilatoire et donc salvateur qu’on pardonne beaucoup à l’auteur, cette faiblesse là. Une certitude, il ne recevra pas « l’américan book award » ni l’edgar** mais figurera fièrement, ami lecteur, dans ta bibliothèque qui elle, ne fait pas de manière.